Sur les traces de Katherine Johnson

Les 4ème B du collège des Gayeulles de Rennes ont eu la chance de rencontrer l’écrivaine Carole Trébor à la bibliothèque des Longchamps pour la présentation de son livre Combien de pas jusqu’à la Lune sur la mathématicienne Katherine Johnson.

Carole Trébor se présente : « Je suis écrivaine, historienne, féministe et fille d’une mathématicienne. J’ai beaucoup de chose à dire sur votre sujet : l’invisibilité des femmes dans les sciences ».

Elle parle de Katherine Johnson, un nom qui parle aux élèves, qui travaillent depuis le début de l’année sur les femmes scientifiques. Katherine Johnson est une mathématicienne de renom, notamment célèbre pour sa participation au programme Apollo de la NASA. En intégrant le groupe des Colored computers (« les calculatrices de couleur »), elle entre à l’agence spatiale américaine et parvient, non sans mal, grâce à sa ténacité et son travail remarquable, à se faire une place parmi ces hommes blancs, misogynes et souvent racistes.

Face à l’écrivaine, les élèves sont impressionnés. Les débuts sont timides. Une main se lève, première question : « qu’ont apporté les travaux de Katherine Johnson ? ».

Au sein de la NASA, Katherine Johnson travaille sur le calcul des trajectoires des fusées, notamment pour les programmes spatiaux américains Mercury, Gemini et, bien sûr, Apollo qui emmena les premiers hommes sur la Lune. Il n’est pas exagéré de dire que sans elle, l’Homme n’aurait surement pas marché sur la Lune.

« Pourquoi s’être intéressé à cette femme ? »

Combien de pas jusqu’à la Lune est un roman bibliographique, sorti en 2019, l’année où on fêtait les 50 ans des premiers pas de l’Homme sur la Lune. L’occasion pour Carole Trébor de s’intéresser aux faces cachées de l’histoire de la conquête spatiale, à ces femmes de l’ombre mais aussi à la NASA, fascinante institution. L’occasion aussi de rendre hommage à sa mère mathématicienne et aux femmes scientifiques. Il y a évidemment derrière ce livre un enjeu féministe et anti racisme fort.

Les élèves s’intéressent ensuite au travail d’écrivaine, à l’écriture…

« Comment avez-vous trouvé toutes ces informations ? », « En combien de temps avez-vous écrit ce livre ? », « Est-ce que la famille de Katherine Johnson (décédée en 2020 à 101 ans) a lu le livre ? », « Pourquoi devenir écrivaine ? »…

En plus d’être écrivaine, Carole Trébor est aussi historienne, réalisatrice, autrice de pièces de théâtre…

Elle a écrit ce livre en un an et les élèves se rendent alors compte du travail gigantesque qu’il y a derrière ce roman. Il a fallu 2 à 3 mois à Carole pour trouver l’angle d’attaque, quelle dimension donner au livre. Un travail de recherche bibliographique sur la mathématicienne mais aussi sur le milieu des mathématiques, la NASA, les Etats Unis d’ Amérique et la condition des Afro américains qui doivent, à l’époque, faire face à la ségrégation raciale. Jusqu’au milieu du 20ème siècle, il n’y a pas de places pour les gens de couleur à des postes élevés. Encore moins pour une femme, même génie des mathématiques depuis l’enfance. L’écrivaine a trouvé toutes ces informations dans des romans, des films, des interviews, des articles…

Dans le livre, tous les faits sont vrais mais Carole a aussi laissé la place à son imaginaire de romancière pour écrire certaines scènes. Il est peu probable que Katherine Johnson ait lu le livre, envoyé à son agent. Rappelons qu’en Amérique la mathématicienne est une super star, équivalent de notre Marie Curie nationale ! Elle a même eu droit à une standing ovation à la cérémonie des Oscar de 2017 au moment où le film Les figures de l’ombre a été récompensé. Mais ça n’a pas toujours été le cas !

« Quels ont été les obstacles dans la carrière de la mathématicienne ? »

A l’époque, aux Etats Unis d’Amérique, si vous êtes noir, vous ne pouvez pas faire le métier pour lequel vous êtes doués. Une triste réalité qui ne démotivera Katherine Johnson. Les afro américains développent alors une chaine d’éducation et de transmission incroyable. A l’Institute, une université qui leur est réservée, elle a pu suivre des cours particuliers donnés par des professeurs émérites mais qui n’ont pas eu la chance de devenir chercheurs parce que noirs… Avec comme mantra « le jour où ce sera possible, tu seras prête ». Avaient-ils deviné le merveilleux destin qui attendait cette femme prodigieuse ?

En 1943, la NACA (l’agence fédérale américaine chargée de la recherche dans le domaine de l’aéronautique entre 1915 et 1958) est déségréguée par besoin. Katherine Johnson se confronte à un milieu misogyne, raciste où elle est femme, qui plus est noire… Elle arrive avec un carton, on pense qu’elle vient faire le ménage ! Elle sera finalement affectée aux calculs. Les hommes de la division de recherche ont beaucoup de mal à accepter qu’une femme soit meilleure qu’eux. Cette « calculatrice humaine » ne se révolte pas, ne montre aucune émotion, aucune tristesse mais continue à travailler d’arrache pieds pour prouver qu’elle mérite sa place autant qu’un autre. Elle finit par être acceptée et à être reconnue à sa juste valeur. Elle reçoit en novembre 2015 la médaille présidentielle de la Liberté des mains du président Barack Obama, puis la médaille d’or du congrès en aout 2019 décernée à toutes les femmes ayant travaillé à la NACA puis à la NASA entre 1930 et 1980.

Il a fallu des mouvements civiques, des luttes, des personnalités telles que Katherine Johnson… pour faire bouger les lignes. Malgré cet exemple, parmi tant d’autre, encore aujourd’hui, les femmes ont du mal à avoir la place qu’elles méritent…

Mais aujourd’hui, la nouvelle génération est sans doute « plus ouverte, plus cultivée, plus féministe et écolo », précise Claire Novack, enseignante de Français de la classe.

Les jeunes d’aujourd’hui feront peut-être bouger les choses !

Et en attendant ils ont une dernière question : « combien y a-t-il de pas jusqu’à la Lune ? ».

Anaïs Pellegrin, Espace des sciences